Journée nationale du souvenir des victimes de la déportation
Dimanche 24 avril 2016
INTERVENTION
DE MONSIEUR LE MAIRE
Madame
la conseillère régionale, et adjointe à la solidarité,
Saliha M’Piayi,
Monsieur
le Conseiller Départemental et premier adjoint,
Dominique Michel,
Monsieur
le conseiller municipal délégué au monde Combattant de la ville de
Chenôve,
Jean-Dominique, Bagnard,
Mesdames
et messieurs les adjoints, les conseillers délégués, les
conseillers municipaux de la ville de Chenôve,
Mesdames
et Messieurs les représentants des associations de résistants et de
déportés,
Monsieur
le Président du comité de Chenôve de la FNACA et du comité
d’entente des anciens combattants,
Mesdames
et Messieurs les représentants des associations du monde combattant,
Mesdames
et Messieurs les Responsables d'Associations chenevelières,
Mesdames
et Messieurs les représentants des Corps Constitués,
Mesdames
et Messieurs,
Mes
chers concitoyennes et concitoyens,
Remerciements
aux porte-drapeaux, à la musique municipale, au personnel qui
contribuent à la qualité et à la haute tenue de nos cérémonies
Justina,
Tilla et Clara Frenkel, Marcel Naudot, Marcel Suillerot, Roger
Kinzbourg, Roger Phillipson, Raymond Bougeot… Tous habitants de
Chenôve. Ils habitaient rue Armand Thibaut, rue Paul Bert, route de
Dijon. Ils allaient à l’école Paul Bert ou à l’école Jules
Ferry. Ils avaient des parents aimants, des copains, des copines. Ils
jouaient dans les vergers et couraient entre les rangs de vignes…
La guerre, le fascisme le nazisme, le racisme leur ont pris leur
jeunesse, voire leur ont pris la vie. Qu'ils aient été déportés
parce que combattants, déportés pour le seul fait d'être nés
Juifs ou Tsiganes, agents d'un réseau, militants d'une cause, simple
porteurs de messages, saboteurs, ou tout simplement coupables parce
que désignés comme différents par un pouvoir indigne, ils ont tous
été les victimes innocentes du système de répression mis en place
dans toute l’Europe des années 1930 et 1940 par les régimes
totalitaires et par leurs complices.
Je
veux, en ce dernier dimanche d’avril, 71 ans après la libération
des camps, vous dire toute notre émotion.
Emotion,
car nous sommes tous ici aujourd’hui réunis pour nous recueillir,
nous souvenir et rendre hommage à la mémoire de ces enfants, de ces
femmes et de ces hommes dont les noms ont été appelés il y a
quelques instants au monument aux morts et, plus largement de toutes
les victimes de la déportation dans les camps de concentration ou
dans les centre de mise à mort du IIIe Reich au cours de la Seconde
guerre mondiale.
Emotion,
parce que la journée du souvenir de la déportation n’est pas et
ne sera jamais une célébration comme les autres. Le temps ne
saurait en effet et ne peut effacer de pareils crimes, si difficiles
à évoquer, impossibles à oublier, impossibles à réparer.
Depuis
la loi du 14 avril 1954, cette date est consacrée au souvenir des
victimes de la déportation afin - je cite - de « ne
pas laisser sombrer dans l'oubli les souvenirs et les enseignements
d'une telle expérience, ni l'atroce et scientifique anéantissement
de millions d'innocents, ni les gestes héroïques d'un grand nombre
parmi cette masse humaine soumise aux tortures de la faim, du froid,
de la vermine, de travaux épuisants et de sadiques représailles,
non plus que la cruauté réfléchie des bourreaux. »
A
travers cette cérémonie, notre nation honore la mémoire de tous
les déportés et se rappelle de la souffrance atroce, endurée par
ces enfants, ces femmes et ces hommes, persécutés et exterminés
pour ce qu’ils étaient ; persécutés et exterminés pour ce
qu’ils pensaient ; persécutés et exterminés pour ce qu’ils
faisaient ; persécutés et exterminés pour tout ce qui fondait
leur condition, notre condition d’êtres humains.
En
France, ce sont plus de 150 000 personnes qui ont été arrachées à
leur vie, du jour au lendemain, pour être emprisonnées dans un
camps de concentration ou gazées à l’arrivée d’un convoi dans
un centre de mise à mort. 80 000 Français, victimes de mesures de
répression (principalement des politiques et des résistants) ;
75 000 Français, victimes de mesures de persécution raciales. Plus
de 100 000 d’entre eux ne revinrent jamais. Au total, dans toute
l’Europe nazie, 6 millions de personnes furent décimées. 6
millions de femmes, d’hommes et d’enfants, 6
millions de pères ou de mères, d’amis, de voisins, de camarades
de travail ou de collègues de bureau, furent déportés, affamés,
torturés, assassinés. Six millions de victimes, six millions de
fois le meurtre d’un être humain.
Dans
l’Europe occupée, le régime d’Hitler aura implanté plus de 200
camps de concentration ou d’extermination, dont les noms résonnent
encore tristement ce jour : Strutthof - Natzweiler, Mauthausen,
Neuengamme, Oranienbourg… sans oublier Auschwitz-Birkenau avec ses
chambres à gaz et son million de morts, expression la plus achevée
de la volonté nazie d’éradiquer tout un peuple dans
l’organisation implacable du meurtre de masse à échelle
industrielle.
Souvenons-nous
ensemble de ces enfants, de ces femmes, de ces hommes, de ces
innocents qui furent assassinés au nom d’une idéologie
totalitaire, aussi bien par les forces allemandes d’occupation que
par celle de collaboration du gouvernement de Vichy.
A
l’image du destin tragique de Justina, Tilla et Clara FRENKEL, ces
3 femmes, une mère et ses 2 filles, allemandes, traquées et
réfugiées à Chenôve, arrêtées par la Gendarmerie française le
9 octobre 1942, transférées à Drancy puis déportées en Pologne
d’où elles ne revirent jamais… Grâce au travail initié par
ADIAMOS et l’association « Mémoires Vives » que je
salue en la personne de Sylvain BLANDIN, ce fait historique,
important pour notre ville, a pu être réhabilité. Depuis le 27
avril 2008, les noms de ces trois martyres sont gravés sur le
Monument aux morts communal aux côtés des Chenevelières et
Cheneveliers morts pour la France. Dans les semaines qui viennent,
avec l’assentiment du comité d’entente des anciens combattant et
de l’association « Mémoires vives, la plaque commémorative
encore aujourd’hui posée à même le sol à côté du monument aux
morts sera désormais surélevée pour être mieux mise en valeur.
Souvenons-nous
des soldats de cette Armée des ombres qui n’ont eu de cesse,
jusqu’à leur dernier souffle, de tout tenter, de tout donner, pour
rendre espoir à l’humanité. Souvenons-nous de tous ces
résistants, de tous ces maquisards qui symbolisaient, par leurs
actions de bravoure et de patriotisme, ce que le cœur de l’Homme a
de plus noble face à la bestialité d’un régime qui n’hésitait
pas à éliminer systématiquement toutes celles et tous ceux qui
osaient s’opposer à lui.
C’est
le combat de Maxime GUILLOT, résistant et héros de notre ville, qui
se donne la mort pour ne pas risquer de parler et de mettre en danger
les membres de son réseau. Compagnon de la Libération, distingué
plusieurs fois par la République française à qui nous rendons
hommage chaque dernier dimanche du mois de janvier.
C’est
le combat de Marcel SUILLEROT, jeune résistant de 17 ans, engagé
contre l’occupant pour défendre sa patrie au mépris des risques,
pour lequel il sera arrêté non loin de cette même place Laprévote
pour être déporté.
C’est
le combat de Lucien DUPONT, militant et résistant communiste, père
de notre amie Christiane LAUTHELIER, exécuté à 21 ans par les
balles allemandes au Mont-Valérien.
C’est
le combat de tant d’autres résistants connus ou anonymes.
De Pierre MEUNIER, Secrétaire général du Conseil National de
la Résistance, fidèle compagnon de Jean MOULIN, à qui nous avons
rendu hommage sur le parvis de l’Hôtel de Ville, en préambule de
la présente cérémonie, à l’occasion d’un moment de
recueillement très intense qui nous rassemble traditionnellement
depuis 1996 sur cette place et devant la stèle qui portent son nom.
Souvenons-nous
enfin de ces élus, ceints de leur écharpe tricolore et dans
l’exercice de leurs responsabilités, arrêtés et déportés en
raison des idées démocratiques qu’ils portaient et du symbole
patriotique qu’ils incarnaient. Marcel NAUDOT, maire de Chenôve de
1934 à 1944, est l’un de ceux-là, arrêté lors des funérailles
de son ami et camarade Maxime Guillot, déporté, mort pour la France
par fidélité aux idéaux de Liberté, d’Egalité et de Fraternité
qui nous sont si chers.
Nous
souvenir, nous recueillir, mais dénoncer aussi avec force les
horreurs de la déportation, les actes de cruauté et de barbarie
pratiqués dans les camps durant la Seconde guerre mondiale, mais
aussi, bien avant, dès 1933 à Dachau, en Allemagne même. Dénoncer
pour redire notre profond attachement aux valeurs de la République
et notre extrême vigilance à ce qu’elles puissent être partagées
et respectées, par tous et par chacun, ce à tout instant.
Nous
tous ici, élus de la République et citoyens, avons l’ardente
obligation de faire vivre cet indispensable devoir de mémoire et de
combattre au quotidien le danger de l’exclusion par la haine qui
est toujours latent.
Cette
cérémonie marque l’engagement moral de notre municipalité à
donner toute sa place à la connaissance de la machine de mort nazie.
Il est primordial de nous évertuer à regarder en face ce passé
avec la plus grande lucidité. Non pas simplement pour en relater les
faits, mais pour toujours mieux connaître et comprendre les
mécanismes de cette catastrophe unique afin d’en tirer les
enseignements qui s’imposent.
Le
devoir de mémoire, tel que nous l’exprimons encore ce matin, ne
peut et ne doit pas être dissocié du travail de mémoire, celui qui
consiste à préserver, à transmettre la parole, le message et
l’image de ces derniers témoins, pour que, génération après
génération, le souvenir des martyrs et des morts soit perpétué
fidèlement.
Parce
que le temps n’est pas loin où disparaitront les derniers témoins
de cette époque, parallèlement à nos cérémonies patriotiques,
les actions que menons dans les écoles, dans nos structures
éducatives et culturelles, en direction de la jeunesse, sont
primordiales pour faire de chaque génération qui passe une
génération de « passeurs de mémoire ». Je tiens, en
votre nom et au nom de notre ville, à remercier vivement les
associations de déportés victimes de guerre et les associations
d’anciens combattants de leur implication forte à nos côtés, et
ce depuis de longues années.
C’est
la raison pour laquelle j’ai souhaité que notre ville puisse
accueillir au Cèdre, dans le prolongement de cette cérémonie et de
celle du 8 mai, une exposition photographique intitulée « Créer,
c’est résister ».
Ce travail a été réalisé par les classes de 3ème
du collège Herriot dans le cadre de leur participation au concours
national de la Résistance et de la Déportation. En inauguration de
cette exposition, je procéderai à la remise officielle de la
mallette pédagogique « Eugène Marlot, l’engagement d’une
vie » (produite par le centre européen du résistant déporté
et la ville de Chenôve) à tous les établissements scolaires de la
commune, écoles élémentaires, collèges Herriot et Le Chapitre,
Lycée Antoine. Cet outil unique en son genre, reconnu pour ses
qualités par l’Education nationale, participera activement à la
transmission de la mémoire comme de l’histoire de la Résistance
et de la déportation à notre jeunesse.
L’occasion
m‘est donc offerte de souligner la qualité du travail réalisé
par l’Unité de Production Vidéo de la Ville de Chenôve et de
remercier ainsi vivement Jean-Marc Bordet pour ses documentaires
inédits, consacrés à ces « derniers témoins » de la
résistance et de la déportation. En ce début d’année 2016,
l’édition en DVD du documentaire « Un village dans la grande
guerre » et sa présentation à la Maison des Sciences de
l’Homme (Université de Bourgogne), ainsi que la projection et les
débats autour du film « Les flammes de la mémoire » à
Noisy-le-Sec et à Genlis continuent de nourrir cette œuvre d’une
richesse humaine et d’une dimension historique incroyables,
constitutive de précieuses archives pour notre ville, pour sa
population actuelle et future.
Dans
un monde qui tend à perdre ses repères, en proie à des tensions de
toutes sortes, dans un monde où certains incitent à une nouvelle
guerre de religion, à une guerre des civilisations, dans un monde où
d’aucuns attisent les intégrismes et font le choix de
l’extrémisme, la lutte contre l’oubli et l’ignorance,
meilleurs ferments de l’intolérance, de la haine et du rejet de
l’Autre reste aujourd’hui des plus nécessaires et des plus
justes. Dans notre France même, un parti politique soi-disant
dédiabolisé, dont les idées s’inspirent toujours directement de
Vichy et de la Révolution nationale, dont les dirigeants ont insulté
des années durant la mémoire de la Résistance et de la
déportation, dont le leader historique a relativisé ou nié
l’existence des chambres à gaz, ce parti politique pourrait demain
gagner l’élection présidentielle et gouverner le pays ! Ce
n’est pas acceptable !
Nous
devons garder les yeux grands ouverts, ici comme ailleurs,
aujourd’hui peut-être encore plus qu’hier, aujourd’hui
assurément moins que demain. Tel est notre devoir : apporter la
plus grande attention à ces moments commémoratifs et œuvrer dans
notre ville au rappel incessant de ces heures les plus sombres de
notre passé, pour faire en sorte de ne jamais les revivre. Devoir de
connaissance et de vérité, devoir d’Histoire, mais aussi et
surtout devoir de vigilance.
Mes
chers concitoyens, cette cérémonie va s’achever sur le Chant des
marais, composé en 1934 par des détenus politiques allemands,
devenu depuis l’hymne des déportés. C’est d’abord un chant de
douleur et de mort, mais surtout un chant d’espoir et d’amour.
Espoir de voir refleurir le printemps, amour de liberté retrouvée,
espoir d’allégresse, amour de l’Humanité en ce qu’elle a de
meilleur et de plus beau.
Vive
Chenôve !
Vive
la paix !
Vive
la République !
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