Cérémonie du vendredi 25 avril 2014



Vendredi 25 avril 2014, en présence de Monsieur le Maire, de la secrétaire générale de la Préfecture et des familles des déportés fut dévoilé une plaque commémorative à l'école Jean Jaurès de Dijon.




Discours de Jean –Claude Leroy, fils de Mme Paulette LEVY 


  

En acceptant de venir à l’inauguration de cette plaque (à cette commémoration), j’ai voulu rendre un hommage particulier à ma mère qui de cette rafle est la seule revenue d’Auschwitz. Mais je n’oublie pas les milliers disparus.


Ma mère a trouvé la force pour tenter de traduire l’horreur de cette période atroce qui l’a hantée toutes sa vie.
Son témoignage est très fort et nous force à la mémoire.


Elle dit sa souffrance, ses peurs, les déchirements, l’injustice,  l’inhumain. Les mots sont tellement éloignés de l’horrible réalité qui a été la leur. Elle nous a transmis ce lourd devoir de vigilance incessante face à la barbarie qui guette encore et toujours, et renforce la légitimité de nos colères face aux actes antisémites.


Je tiens plus particulièrement à remercier l’Association mémoire(s) vive(s) qui sans elle, cette cérémonie n’aurait pas eu lieu et qui m’a permis de découvrir comment hélas cela s’est passé.


Discours de Sylvain Blandin, Président de mémoire(s) vive(s)

Madame la Secrétaire Générale de la Préfecture représentante d’Etat, Monsieur maire de Dijon, mesdames et messieurs les représentants des autorités civiles et militaires, mesdames messieurs les porte-drapeaux, mesdames, messieurs.

Dans l’enceinte de cette école, où résonnent aujourd’hui des rires d’enfants, il y a 70 ans ce sont des cris et des larmes que l’on entendait.


Fin février 1944, 92 hommes, femmes et enfants juifs de Dijon et de côte d’Or ont été internés ici même, dans cette école[1]. Ce lieu a servi, durant une semaine, de centre de rétention avant leur transfert vers Drancy, antichambre d’Auschwitz Birkenau où tous, ou presque, ont été assassinés.

A l’automne 1940, les Juifs de France se sont pliés, en bon citoyens, à l’injonction de se faire recenser auprès de la Préfecture de police[2].

Sur la base de ce même fichier la police SS allemande a fourni au commissariat de Dijon et aux gendarmeries une liste de personnes à arrêter lors d’une rafle prévue pour le 24 février 1944.

Lors de cette rafle, 485 personnes ont été arrêtées dans les départements de Côte d’Or, de Saône-et-Loire, de l’Yonne, de la Nièvre, du Doubs, de Haute-Loire, du Jura et du Territoire de Belfort.

Avant de procéder à la lecture des noms des personnes arrêtées et transférées dans cette école avant leur déportation, je voudrais retracer l’histoire de certains.

En 1939 deux familles de commerçants alsaciens sont évacuées de Hagueneau[3] comme tous les habitants de la région.

Après l’annexion de l’Alsace au ‘Reich’ allemand - qui devenait, en juin 1940, une région ‘interdite aux Juifs’- ces familles ont trouvé refuge à Gémeaux, où des fermiers, M. et Mme Frey, leur ont fourni un travail de commis et les ont logé[4].

Il s’agissait de Jules et Yvonne Levy - née Schuster - respectivement nés en 1890 et 1898 – qui vivaient à Gémeaux avec leur fille Jeannette, née en 1928.
Sarah Schuster- née en 1867 - et son mari Maurice Levy - né en 1860, parents d’Yvonne Levy.
Marie Levy, née en 1884, la sœur de Jules, et Mélanie Lévy, née en 1863, mère de Marie et Jules.

Léon et Alma Levy, respectivement nés en 1904 et 1906, vivaient encore à Gemeaux quand ils y ont été arrêtés avec leurs petites filles Denise, née en 1934 et Micheline, née en 1935.

Arrêtés par la gendarmerie locale, ils ont été internés dans l’enceinte de cette école.

Je voudrais aussi retracer l’histoire de la famille Rueff.

La famille résidait à Châtillon-sur-Seine
Fin 1943, ils étaient la seule famille juive de cette ville qui figurait encore sur les listes de la police.

Noé Rueff, dit Jules, était né en 1876 à Pfastatt, près de Mulhouse. Sa femme Jeanne, alsacienne également, était née à Strasbourg en 1888.

Le couple s’était installé, au cours des années 1910, à Châtillon, où Jules Rueff avait  fondé un commerce de chaussures.

Leurs quatre enfants, René, Henriette, Raymond et Roger sont nés à Chatillon sur Seine[5] en 1909, 1911, 1915 et 1917.

Roger, le cadet, est devenu instituteur. Sa carrière sera brusquement interrompue en avril 1943 lorsqu’il est démis de ses fonctions au motif qu’il est juif. Il enseignait alors à la Roche-en-Brenil[6] dans le Morvan.

Suite aux arrestations successives des Juifs de Châtillon, les Rueff avaient quitté la ville pour rejoindre leur fils Roger à la Roche-en-Brenil.

Leur fils aîné, René, un ouvrier minier âgé de 34 ans, les y rejoint.

Jeanne et Jules Rueff, leurs fils Roger et René ont été arrêtés en février 1944 et internés dans cette école avant leur déportation.

Je voudrais enfin retracer l’histoire de Céline Charlot, née Bloch.

Le 12 décembre 1942 la préfecture de Côte d’Or avait reçu une lettre de dénonciation d’un chirurgien-dentiste dans laquelle il accuse Céline Charlot de manipuler le maire[7].

Céline Charlot devra alors prouver sa « non appartenance à la race juive ». Malgré de nombreuses lettres de soutien, écrites en sa faveur, elle sera finalement arrêtée et transférée dans cette école.



Avant leur transfert vers Drancy, trois personnes quittent cette école :

-  Régina Rousseau née Blankenberg et son bébé : le 25 février 1944, la préfecture de Dijon a demandé sa libération provisoire au motif qu’elle allaite.  Il est demandé aux autorités allemandes d’envisager de surseoir à son transfert à Drancy.
Elle est libérée le samedi 26 février 1944.

- Le 29 février, Maurice Schuster, âgé alors de 83 ans, est hospitalisé. Cette hospitalisation lui évitera la déportation

- le 1er mars Moïse HIRSCH, âgé de 80 ans est lui aussi hospitalisé. Il décèdera, à l’hôpital, le 12 mars 1944.


Vendredi 3 mars 1944, au soir, les 89 détenus sont transférés, sous la surveillance de la police municipale, de l’école Ferry à la gare de Dijon.

A 23h10,  accompagnés de 24 gendarmes et d’un officier ils sont acheminés de Dijon à Drancy, le camp de transit en région parisienne.

Deux personnes échapperont à la déportation :

- Simon Schulz a été libéré de Drancy le 17 mars[8].
- Sima Michonsniki, quant à lui, ne quittera pas Drancy, mais il ne sera pas déporté.

De Drancy, ils sont déportés vers le centre de mise à mort d’Auschwitz Birkenau, le 7 mars 1944.

Lorsque l’on parcourt la liste des personnes arrêtées, on est frappé du grand nombre de personnes âgées : en situation de grande fragilité qui n’ont pas pu fuir à temps, se cacher, trouver abri.

Toutes les victimes sont de nationalité française : les Juifs étrangers ayant été arrêtés durant l’été 1942. Parmi eux, seule Paulette Levy est revenue de déportation.






Georges
CORCIA
19
ans
Roger
CORCIA
18
ans

Samuel
CORCIA
23
ans
Abraham
CORCIA
52
ans

Alfred
LEVY
60
ans
Alice
SCHEYE
54
ans



Nephtaly
SPIRA
66
ans
Fernand
SPIRA
66
ans

Rose
BERNHEIM
65
ans
Carmen
DANSK
52
ans

Léa Suzanne
EPSZTEJN
29
ans

Ghislaine
EPSZTEJN
6
ans
Hubert
EPSZTEJN
9
ans


Adeline Adèle
FISCHER
40
ans
Marie
PARIS
66
ans

Andrée
MOCH
42
ans
Moise
MOCH
75
ans
Théophile
BLOCH
65
ans
Berthe
BLOCH
54
ans
Jacques
BLOCH
16
ans

Jenny
SAMUEL
68
ans
Simon
SCHULZ
52
ans
Valentine
BELIN
73
ans




Victor
BLANKENBERG
11
ans
Irma
BLOCH
51
ans

Claude
CAHN
13
ans
Hugues
CAHN
18
ans
Gilbert
CAHN
16
ans

Haïm
COURTES
39
ans
Bella
DREYFUS
73
ans

Hélène Chaya
FRIEDRICH
56
ans
Emile
GRUMBACH
48
ans
Adrien
GUGENHEIM
60
ans

Moise
HEYMANN
78
ans
Clémence
HEYMANN
72
ans
Marie
HEYMANN
36
ans

Berthe
HIRSCH
77
ans




Gerchan dit Charles
JACKOWSKI
67
ans
Rosalie
CAHN
65
ans
Sarah
KOCH
68
ans
Lucie
KOCH
34
ans

André Salomon
LEHMANN
42
ans

Blanche
LEVY
31
ans
Camille
LEVY
63
ans
Paulette
LEVY
26
ans

Régine
LEVY
59
ans
Blanche
LEVY
53
ans

Madeleine
LEVY
53
ans
Reine
LEVY
73
ans

David
LEVY
70
ans
Agathe
LEVY
61
ans

Laure
LEVY
68
ans
Joseph
LEVY
29
ans
Florence
LEVY
30
ans

Emilie
LIEBSCHUTZ
60
ans
Henri
LIEBSCHUTZ
70
ans

Salomon
PICARD
77
ans
Hélène
ROUDNICK
14
ans
Anna
SCHER
56
ans

Irma
SCHWARTZ
75
ans

Lucie
SCHWARTZ
47
ans

Paulette
ULMER
22
ans
Marie
LEVY
60
ans

Yvonne
LEVY
46
ans
Denise
LEVY
10
ans
Mélanie
LEVY
81
ans
Alma
LEVY
38
ans
Léon
LEVY
40
ans

Jeannette
LEVY
16
ans
Jules
LEVY
54
ans
Micheline
LEVY
9
ans
Sarah
SCHUSTER
77
ans




Salomon
ACH
70
ans
Flore
ACH
66
ans

Roger Antoine
RUEFF
27
ans
Jules Noé
RUEFF
68
ans

René
RUEFF
35
ans
Jeanne
RUEFF
56
ans

Simon
MICHONSNIKY
 56
ans

Blanche
SCHNEIDER
58
ans
Achille
SCHNEIDER
62
ans

Blanche
WEILL
36
ans
René
WEILL
51
ans

Jacques David
FRENK
40
ans
Daniel
FRENK
15
ans

Georges
LEVY
63
ans
Rosa
LEVY
54
ans

Lucien
LEVY
65
ans
Céline
BLOCH
53
ans


Ces 89 hommes, femmes et enfants ont été internés, du 26 février au 4 mars 1944, dans cette école, déportés vers Auschwitz-Birkenau au seul motif qu’ils étaient nés juifs.
Je conclurai en citant Isaïe chapitre 56 verset 5 «  Je leur accorderai un nom éternel qui ne périra point » et Elie Wiesel « Le bourreau tue toujours deux fois, la seconde par l’oubli ».

Nous ne vous oublierons pas. Merci


[1] Archives Départementales de la Côte d’Or 1090W41
[2] Archives Départementales de Côte d’Or : 1090W36
[3] Archives Départementales de Côte d’Or : 1090W36
[4] La résistance à Gemeaux » Patrice Huguenin
[5] Etat civil Mairie de Châtillon sur Seine
[6] Archives Départementale de Côte d’Or 1090W36
[7] Archives Départementales de Côte d’Or 1090W36
[8] Mémorial de la Shoah

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