Cérémonie en hommage à Emile DUVAULT, 8 mars 2015

Allocution de Sylvain Blandin, association mémoire(s) vive(s)



Monsieur le Député,
Monsieur le Maire et Président du Grand Dijon,
Mesdames, messieurs les élus,
Monsieur le président de la communauté juive de Dijon,
Mesdames, Messieurs

Avant de vous en dire plus sur M Emile DUVAULT, j'invite madames JOLLY petite fille d'Emile DUVAULT, mesdames MARX et FRANCK a me rejoindre pour dévoiler la plaque.

Depuis 2003 notre association, mémoire(s) vive(s), œuvre pour la mémoire des victimes des crimes contre l'humanité.

Elle est à l'origine de la pose de plaques commémoratives à Chenôve, Châtillon sur Seine, Gemeaux et plus récemment à Dijon.
Ces plaques ont toutes un point commun : elles rendent hommage aux victimes de la barbarie nazie et du régime de Vichy.

Si, comme l'a rappelé le Président CHIRAC en 1995, « la folie criminelle de l'occupant a été secondé par des Français et par l’État français »(1), nombre de nos compatriotes ont  permis, par leurs actions héroïques et au péril de leur vies, de sauver les trois quarts des Juifs de France.

En effet pour échapper aux persécutions, de nombreuses familles juives sont passées en zone libre avec l'aide de passeurs de plus en plus organisés.

Aujourd'hui notre association, en présence de sa famille, souhaite honorer : Monsieur Emile DUVAULT, figure emblématique de la Résistance comme en atteste les témoignages suivants.

Emile DUVAULT était cheminot et coiffeur à domicile. Il avait parmi ses clients de nombreuses famille juives.

Au moment de la débâcle la famille PIQUARD quitte précipitamment la région dijonnaise pour se réfugier à Aurillac dans le Cantal. Après quelques mois la famille décide de revenir à Dijon.

Pour ne prendre aucun risque Georges Piquard, part seul tandis que le reste de la famille l'attend à Lyon.
A Dijon l'appartement familial est occupé par des Allemands. Georges Piquard doit louer une chambre mais surtout il ne peut ni rejoindre sa famille à Lyon, ni risquer de les faire venir auprès de lui.
Pour rester en contact avec son épouse il fait appel à Emile DUVAULT, un ami de la famille, qui fait régulièrement les trajets entre Dijon et Lyon en temps que cheminot.
Celui transporte à chaque voyage un lot de courrier pour la famille Piquard mais aussi pour de nombreuses autres personnes.

La situation à Dijon devenant de plus en plus dangereuse, Georges Piquard décide de rejoindre sa famille à Lyon. C'est Emile DUVAULT, avec l'aide de son collègue Robert Grillot, conducteur de train, qui organise sa fuite. Il le cache dans sa machine à vapeur jusqu'à Lyon. Samuel Piquard, le père de Georges, effectuera le même voyage, caché sous le charbon.

La famille est réunie à Lyon mais Emile DUVAULT poursuit le service de courrier clandestin.

Voici un 2nd témoignage qui atteste de l'engagement d'Emile DUVAULT.

La famille Franck est installée à Dijon depuis longtemps lorsque la guerre éclate. Elle gère un commerce rue Bossuet.
Le 14 décembre 1940, six hommes dépenaillés, hirsutes entrent dans le magasin. Tous juifs ils viennent de s'évader et veulent rejoindre soit leurs familles, soit l'Angleterre. La famille Franck les cachent et entre en contact avec un des plus important réseau de passeurs mis sur pied par une infirmière dijonnaise Mme Blanche Grenier-Godard (2).

C'est par son intermédiaire que les six fugitifs passeront la ligne de démarcation. A partir de là la famille Franck vient en aide au réseau Grenier-Godard en fournissant des vêtements aux clandestins.
Leur magasin sert aussi de boîte aux lettres. La famille Franck fait alors la connaissance d'Emile DUVAULT qui se charge d'acheminer le courrier en zone libre.
Après la mise sous séquestre de leur magasin Monsieur Emile, comme on l'appelait à Dijon se rend  au domicile de la famille Franck.
« Chaque vendredi soir, témoigne Simone Franck,  monsieur Emile passait à la maison chercher du courrier qu'il déposait à Lyon. Et à son retour le dimanche il déposait du courrier que mes parents faisait parvenir à leurs destinataires » Ces courriers ne sont pas seulement des plis familiaux mais  sont aussi des documents pour la résistance et l'Angleterre.

Cela dure 18 mois, jusqu'au moment où la famille Franck est contrainte de s'enfuir.
C'est par l'intermédiaire d'Emile DUVAULT que les cheminots aident une partie de la famille Franck à rejoindre la zone libre, fin décembre 1941.
Roger Franck raconte : « Nous nous sommes rendu à la gare de triage de Perrigny les Dijon. Là les cheminots nous font monter dans un wagon de marchandise. Nous avons rampé dans un étroit tunnel entre les balles de papier, jusqu'à une cavité plus large. Les cheminots ont entassé d'autres balles avant la fermeture du wagon. Dans une autre cavité il y avait des prisonniers évadés. Lors des arrêts un soldat allemand donnait des grands coups avec une pique »

Ces actes de résistance valurent à Emile DUVAULT d'être arrêté sur dénonciation et incarcéré au fort de Hauteville. Il n'a pas été déporté en Allemagne et a été libéré en septembre 1944.

La résistance en Côte d'Or a payé un lourd tribu : 190 résistants tués au combat, 237 fusillés (3).

Ce combat mené par Emile DUVAULT et ses camarades était un combat pour que les valeurs humanistes, les valeurs de liberté, de justice, de tolérance perdurent.
Ces valeurs, fondement de nos démocraties, peuvent pourtant toujours être menacées, l'actualité récente en est la triste preuve.

Pour la philosophe Hannah Arrendt un lien étroit existe entre le mal et l'absence de pensée. Penser c'est se confronter aux autres, entrer en relation et seule la relation entre les hommes fait l'humanité. Durant ces heures sombres, Emile DUVAULT, par son courage, son dévouement, son engagement a fait preuve d'une grande humanité, il a su maintenir des relations entre les personnes et c'est cela que nous honorons aujourd'hui.

Dans le judaïsme, se souvenir constitue un commandement religieux. Pourquoi devons nous  « ne pas oublier » ? Maïmonide apporte la réponse : Car l'oubli tue .

Nous n'oublierons pas les actes héroïques de Monsieur Emile DUVAULT et je vous propose un instant de recueillement en sa mémoire.

Je tiens à vous remercier Monsieur le Maire de Dijon pour votre aide financière et logistique dans la réalisation de ce projet,  je remercie la famille THOMAS, propriétaire de l'immeuble, qui nous autoriser à apposer cette plaque, et je vous remercie d'avoir répondu présent ce matin pour honorer M Emile DUVAULT.








1 : Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, prononcée lors des cérémonies commémorant la grande rafle de 16 et 17 juillet 1942

2 : Gilles HENNEQUIN « Résistance en Côte d'Or » Tome VI
3 : Pierre GOUNAND « De l'oppression à la délivrance »



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