Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation
Discours de Sylvain Blandin, président de l'association
Monsieur
le maire,
Madame
la conseillère communautaire représentant Monsieur le Président du
Grand Dijon,
Mesdames
et messieurs les représentants des autorités civiles et militaires
Mesdames
et messieurs les portes drapeaux
Mesdames
et messieurs les conseillers municipaux
Mesdames,
messieurs
Cette
année cette cérémonie est particulière.
En
effet nous commémorons le début de la déportation des Juifs de
France vers les centres de mises à mort nazi, il y a 75 ans. Le 27
mars 1942, le 1er convoi quittait Drancy pour Auschwitz
via Compiègne emmenant 1112 personnes dont seulement 23 furent
survivantes en 19451.
Cette
seule année 1942, 43 convois quittèrent la France.
La famille
Frenkel faisait partie du convoi n°40
Au
delà de l'inscription de noms sur une plaque commémorative, il nous
apparaît essentiel de tenter de reconstituer, avec les documents à
notre disposition, l'histoire de ces êtres humains voués par les
nazis à l'anéantissement, c'est à dire à la destruction de leurs
vies, de leurs corps mais aussi de toute trace de leur existence, les
rayant ainsi de l'histoire des hommes.
L'association
mémoire(s) vive(s) vous propose à l'occasion de cette cérémonie,
de partager une pensée pour Justina, Klara et Tilla FRENKEL,
assassinée à Auschwitz au seul motif qu'elles étaient juives.
Ce
que nous savons de ces trois femmes tient en peu de choses : une
liste, celle des déportés juifs de France établie grâce aux
travaux de Serge Klarsfeld et des documents retrouvés aux archives
départementales de la Côte d'Or.
Les
noms de Justina, Klara et Tilla Frenkel apparaissent pour la 1ère
fois sur une liste de recensement des juifs de Côte d'Or2.
En effet à
l’automne 1940, les Juifs de France se sont pliés, en bon
citoyens, à l’injonction de se faire recenser auprès de la
Préfecture de police.
Cette
famille était originaire de Merzig, en Sarre allemande. Cette région
a été annexée par l'Allemagne nazie en 1935 et on peut aisément
émettre l'hypothèse que les Frenkel ont voulu, fuir les
persécutions, fuir l'antisémitisme légalisé dans le Reich par
les lois de Nuremberg, promulguées en septembre 1935.
La
famille Frenkel arrive en France le 28 février 1936. Comme de
nombreux Juifs fuyant le Reich, la famille Frenkel pensait trouvé un
refuge sûr dans la patrie des Droits de l'Homme.
Nous
n'avons pas la date précise de son installation à Chenôve, 119
route de Beaune, au lieu dit
Clos
Charpentir.
Le
12 mai 1941 le Préfet de Côte d'Or ordonne aux services de police
une enquête, je le cite, sur « l'attitude au point de vue
national des israélites étrangers »3.
L'officier
de police conclut son rapport en précisant : « que les
ressources de cette famille semblent suffisantes et aucune remarque
défavorable n'a été relevée. Son attitude au point de vue
national est correcte ».4
Ces
conclusions laissent à penser que la police française n'avait rien
à reprocher à la famille Frenkel. Mais, comme pour des milliers
d'autres Juifs, l’inexorable et tragique destin est déjà scellé.
En
effet, en janvier 1941 le projet génocidaire d’anéantissement du
peuple juif est planifié par la conférence de Wansee. Les autorités
françaises complices du Reich se préparent à collaborer et
revendiquent haut et fort un antisémitisme d’État.
Par
un courrier en date du 7 octobre 1942 les autorités allemandes
adressent au Préfet de région, 8 listes de noms classés par
départements et les instructions nécessaires aux arrestations qui
devront avoir lieu le 9 octobre à partir de 6 heures du matin et qui
devront être terminées à 20 heures.
Cet
ordre d'arrestation massive vise les juifs étrangers « hommes,
femmes et enfants sans prendre égard à leur âge »5.
Pour
le département de la Côte d'Or se sont 64 personnes recherchées.
Toutes ne seront pas arrêtées ce jour là, soit parce qu'elles
n'étaient pas présentes, soit parce qu'après vérification elles
étaient de nationalité française. Malheureusement les arrestations
de Juifs français interviendront bientôt.
La
fin de l'histoire de la famille Frenkel nous est fournie par les
archives des nazis : Justina, Klara et Tilla âgées
respectivement de 82, 53 et 50 ans ont été arrêtées le 9 octobre,
puis transférées à Drancy le 12 octobre 1942.
En
cette journée nationale du souvenir des victimes de la déportation
ayons une pensée pour la famille Frenkel, mais aussi pour les 76000
juifs de France dont 11000 enfants.
Permettez
moi d’évoquer le souvenir de certains Juifs de Côte d’Or
déportés.
Maurice
Bigio, jeune étudiant en mathématique arrêté au Lycée Carnot au
matin du 26 février 19426
en représailles d’un attentat à Chalon sur Saône,
Margot
Kahn, 13 ans, qui après l’arrestation de sa mère le 12 juillet
19427
à Châtillon sur sur Seine, soit quelques jours avant la rafle du
Vel d’Hiv à Paris, avait écrit au Maréchal Pétain pour lui
demander des nouvelles de sa mère et pour, je la cite : « Faire
rentrer maman chérie dans notre foyer en détresse »8.
Margot fut arrêtée avec son père9
comme la famille Frenkel en octobre 1942,
Céline
Charlot née Bloch, secrétaire de mairie à Saint Germain les
Senailly, obligiée de prouver sa non judéité suite à sa
dénonciation par un notable de la commune10.
Elle sera déportée en février 1944.
Le
4 novembre 1942 à 8h55 le convoi n°40 quitte la gare du
Bourget-Drancy pour Auschwitz.
Sur
les 1000 déportés Juifs de ce convoi, 4 seulement sont revenu
vivant en 1945.
Justina,
Klara et Tilla Frenkel n'en faisait pas partie.
Je
terminerai mon propos comme je l’ai commencé.
Cette
année cette cérémonie est particulière.
En effet nous sommes à
quelques jours d’une échéance importante. Je ne me résous pas à
l’idée que nous nous retrouvions l’an prochain, à cette même
date, pour cette même cérémonie en ayant à la tête de notre
République une présidente niant la responsabilité française dans
la rafle du Vel d’Hiv, dont le père estimait que les chambres gaz
étaient un détail, dont des membres fondateurs sont des
révisionnistes notoires.
Comme
le rappelait en 1995 le président Jacques Chirac :
« N’acceptons pas d’être les témoins passifs, ou les
complices, de l’inacceptable »11.
1La
Shoah en France, volume 2, Serge Klarsfeld
2Archives
Départementales de Côte d’Or (ADCO) 1090W36
3ADCO
1090W34
4ADCO
1090W34
5ADCO
1090W36
6ADCO
40M461, Yad Vashem
7ADCO
1090W41
8ADCO
1090W41
9ADCO
1090W41
10ADCO
1090W36
11www.jacqueschirac-asso.fr
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