Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation


Chenôve, dimanche 30 avril 2017



Discours de Sylvain Blandin, président de l'association

Monsieur le maire,
Madame la conseillère communautaire représentant Monsieur le Président du Grand Dijon,
Mesdames et messieurs les représentants des autorités civiles et militaires
Mesdames et messieurs les portes drapeaux
Mesdames et messieurs les conseillers municipaux
Mesdames, messieurs


Cette année cette cérémonie est particulière.
En effet nous commémorons le début de la déportation des Juifs de France vers les centres de mises à mort nazi, il y a 75 ans. Le 27 mars 1942, le 1er convoi quittait Drancy pour Auschwitz via Compiègne emmenant 1112 personnes dont seulement 23 furent survivantes en 19451.

Cette seule année 1942, 43 convois quittèrent la France. 
La famille Frenkel faisait partie du convoi n°40

Au delà de l'inscription de noms sur une plaque commémorative, il nous apparaît essentiel de tenter de reconstituer, avec les documents à notre disposition, l'histoire de ces êtres humains voués par les nazis à l'anéantissement, c'est à dire à la destruction de leurs vies, de leurs corps mais aussi de toute trace de leur existence, les rayant ainsi de l'histoire des hommes.

L'association mémoire(s) vive(s) vous propose à l'occasion de cette cérémonie, de partager une pensée pour Justina, Klara et Tilla FRENKEL, assassinée à Auschwitz au seul motif qu'elles étaient juives.

Ce que nous savons de ces trois femmes tient en peu de choses : une liste, celle des déportés juifs de France établie grâce aux travaux de Serge Klarsfeld et des documents retrouvés aux archives départementales de la Côte d'Or.


Les noms de Justina, Klara et Tilla Frenkel apparaissent pour la 1ère fois sur une liste de recensement des juifs de Côte d'Or2. En effet à l’automne 1940, les Juifs de France se sont pliés, en bon citoyens, à l’injonction de se faire recenser auprès de la Préfecture de police.

Cette famille était originaire de Merzig, en Sarre allemande. Cette région a été annexée par l'Allemagne nazie en 1935 et on peut aisément émettre l'hypothèse que les Frenkel ont voulu, fuir les persécutions, fuir l'antisémitisme légalisé dans le Reich par les lois de Nuremberg, promulguées en septembre 1935.

La famille Frenkel arrive en France le 28 février 1936. Comme de nombreux Juifs fuyant le Reich, la famille Frenkel pensait trouvé un refuge sûr dans la patrie des Droits de l'Homme.
Nous n'avons pas la date précise de son installation à Chenôve, 119 route de Beaune, au lieu dit
Clos Charpentir.

Le 12 mai 1941 le Préfet de Côte d'Or ordonne aux services de police une enquête, je le cite, sur « l'attitude au point de vue national des israélites étrangers »3.
L'officier de police conclut son rapport en précisant : « que les ressources de cette famille semblent suffisantes et aucune remarque défavorable n'a été relevée. Son attitude au point de vue national est correcte ».4

Ces conclusions laissent à penser que la police française n'avait rien à reprocher à la famille Frenkel. Mais, comme pour des milliers d'autres Juifs, l’inexorable et tragique destin est déjà scellé.

En effet, en janvier 1941 le projet génocidaire d’anéantissement du peuple juif est planifié par la conférence de Wansee. Les autorités françaises complices du Reich se préparent à collaborer et revendiquent haut et fort un antisémitisme d’État.


Par un courrier en date du 7 octobre 1942 les autorités allemandes adressent au Préfet de région, 8 listes de noms classés par départements et les instructions nécessaires aux arrestations qui devront avoir lieu le 9 octobre à partir de 6 heures du matin et qui devront être terminées à 20 heures. 
 
Cet ordre d'arrestation massive vise les juifs étrangers « hommes, femmes et enfants sans prendre égard à leur âge »5
 
Pour le département de la Côte d'Or se sont 64 personnes recherchées. Toutes ne seront pas arrêtées ce jour là, soit parce qu'elles n'étaient pas présentes, soit parce qu'après vérification elles étaient de nationalité française. Malheureusement les arrestations de Juifs français interviendront bientôt.

La fin de l'histoire de la famille Frenkel nous est fournie par les archives des nazis : Justina, Klara et Tilla âgées respectivement de 82, 53 et 50 ans ont été arrêtées le 9 octobre, puis transférées à Drancy le 12 octobre 1942.


En cette journée nationale du souvenir des victimes de la déportation ayons une pensée pour la famille Frenkel, mais aussi pour les 76000 juifs de France dont 11000 enfants.
Permettez moi d’évoquer le souvenir de certains Juifs de Côte d’Or déportés.

Maurice Bigio, jeune étudiant en mathématique arrêté au Lycée Carnot au matin du 26 février 19426 en représailles d’un attentat à Chalon sur Saône,

Margot Kahn, 13 ans, qui après l’arrestation de sa mère le 12 juillet 19427 à Châtillon sur sur Seine, soit quelques jours avant la rafle du Vel d’Hiv à Paris, avait écrit au Maréchal Pétain pour lui demander des nouvelles de sa mère et pour, je la cite : « Faire rentrer maman chérie dans notre foyer en détresse »8. Margot fut arrêtée avec son père9 comme la famille Frenkel en octobre 1942,

Céline Charlot née Bloch, secrétaire de mairie à Saint Germain les Senailly, obligiée de prouver sa non judéité suite à sa dénonciation par un notable de la commune10. Elle sera déportée en février 1944.

Le 4 novembre 1942 à 8h55 le convoi n°40 quitte la gare du Bourget-Drancy pour Auschwitz.
Sur les 1000 déportés Juifs de ce convoi, 4 seulement sont revenu vivant en 1945.
Justina, Klara et Tilla Frenkel n'en faisait pas partie.

Je terminerai mon propos comme je l’ai commencé.
Cette année cette cérémonie est particulière. 

En effet nous sommes à quelques jours d’une échéance importante. Je ne me résous pas à l’idée que nous nous retrouvions l’an prochain, à cette même date, pour cette même cérémonie en ayant à la tête de notre République une présidente niant la responsabilité française dans la rafle du Vel d’Hiv, dont le père estimait que les chambres gaz étaient un détail, dont des membres fondateurs sont des révisionnistes notoires.

Comme le rappelait en 1995 le président Jacques Chirac : « N’acceptons pas d’être les témoins passifs, ou les complices, de l’inacceptable »11.



1La Shoah en France, volume 2, Serge Klarsfeld
2Archives Départementales de Côte d’Or (ADCO) 1090W36
3ADCO 1090W34
4ADCO 1090W34
5ADCO 1090W36
6ADCO 40M461, Yad Vashem
7ADCO 1090W41
8ADCO 1090W41
9ADCO 1090W41
10ADCO 1090W36
11www.jacqueschirac-asso.fr

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