Journée nationale du souvenir de la déportation
Chenôve, dimanche 24 avril 2016
Discours prononcé par Sylvain Blandin, président de l'association à l'issue de la cérémonie.
Discours prononcé par Sylvain Blandin, président de l'association à l'issue de la cérémonie.
Monsieur
le maire,
Mesdames
et messieurs les représentants des autorités civiles et militaires
Mesdames
et messieurs les portes drapeaux
Madame
la conseillère régionale
Monsieur
le conseiller départemental
Monsieur
le président de la communauté juive de Dijon
Mesdames
et messieurs les conseillers municipaux
Mesdames,
messieurs
Notre
association mémoire(s) vive(s) vous propose à l'occasion de
cette cérémonie, de partager une pensée pour Justina Frenkel, et
ses deux filles Klara et Tilla, âgées respectivement de 82, 53 et
50 ans assassinées à Auschwitz en 1942 au seul motif qu'elles
étaient juives.
Au
delà de l'inscription de noms sur une plaque commémorative, il nous
apparaît essentiel de tenter de reconstituer, avec les documents à
notre disposition, l'histoire de ces êtres humains voués par les
nazis à l'anéantissement, c'est à dire à la destruction de leurs
vies, de leurs corps mais aussi de toute trace de leur existence, les
rayant ainsi de l'histoire des hommes.
Ce
que nous savons de ces trois femmes tient en peu de choses : une
liste, celle des déportés juifs de France établie grâce aux
travaux de Serge Klarsfeld et des documents retrouvés aux archives
départementales de la Côte d'Or.
Les
noms de Justina, Klara et Tilla Frenkel apparaissent pour la 1ère
fois sur une liste de recensement des juifs de Côte d'Or1.
En effet à
l’automne 1940, les Juifs de France se sont pliés, en bon
citoyens, à l’injonction de se faire recenser auprès de la
Préfecture de police.
Le
12 mai 1941 le Préfet de Côte d'Or ordonne aux services de police
une enquête, je le cite, sur « l'attitude au point de vue
national des israélites étrangers »2.
L'enquête
a donné lieu à trois rapports de police nominatifs en date du 10
juin 1941.
Nous
y apprenons l'état civil complet de la famille Frenkel, la date
d'entrée en France, l'adresse et leur activité à Chenôve.
Justina
Schwartz, fille d'Abraham et de Clara Guggenheim et veuve de Léon
Frenkel est née le 29 mars 1860 à Busenberg en Allemagne. Le couple
Frenkel a eu trois enfants :
Klara,
née le 27 novembre 1892, Tilla née le 18 décembre 1889 et Albert
dont le rapport ne donne que son âge, 51 ans en 1941.
Cette
famille était originaire de Merzig, en Sarre allemande. Cette région
a été annexée par l'Allemagne nazie en 1935 et on peut aisément
émettre l'hypothèse que les Frenkel ont voulu, fuir les
persécutions, fuir l'antisémitisme légalisé dans le Reich par
les lois de Nuremberg, promulguées en septembre 1935.
La
famille Frenkel arrive en France le 28 février 1936. Comme de
nombreux Juifs fuyant le Reich, la famille Frenkel pensait trouver un
refuge sûr dans la patrie des Droits de l'Homme.
Nous
n'avons pas la date précise de son installation à Chenôve, 119
route de Beaune, au lieu dit Clos Charpentir. Elle y louait une ferme
et l'exploitait.
Le
rapport nous apprend aussi qu'en mai 1940, Albert Frenkel s'est
engagé dans l'armée française au sein du 308 ème bataillon de
travailleurs étrangers. Nos recherches ne nous ont pas permis de
retrouver plus d'informations le concernant.
L'officier
de police conclut son rapport en précisant : « que les
ressources de cette famille semblent suffisantes et aucune remarque
défavorable n'a été relevée. Son attitude au point de vue
national est correcte »
Ces
conclusions laissent à penser que la police française n'avait rien
à reprocher à la famille Frenkel. Mais, comme pour des milliers
d'autres Juifs, l’inexorable et tragique destin est déjà scellé.
En
effet les autorités françaises complices du Reich se préparent à
collaborer et revendiquent haut et fort un antisémitisme d’État.
En
septembre 1940, le recensement obligatoire des Juifs vivant en Côte
d'Or, comme partout en France a été effectué.
Dès
octobre 1940, les Juifs sont exclus de la fonction publique ainsi que
des professions libérales3.
En
janvier 1941 le projet génocidaire d’anéantissement du peuple
juif est planifié par la conférence de Wansee.
Dès
juin 1942, tout Juif de plus de 6 ans doit porter une étoile jaune.
Un document des archives départementales atteste que les 3 membres
de la famille Frenkel sont venus chercher, je cite : « leur
insigne spéciale »4.
Par
un courrier en date du 7 septembre 1942 la préfecture demande au
maire de Chenôve de lui « faire connaître d'urgence si les
israélites Frenkel sont encore en résidence
dans la commune »5.
Le
maire lui répond par l'affirmative le 9 septembre.
Exactement
un mois plus tard, les autorités allemandes adressent au Préfet de
région, 8 listes de noms classés par département et « les
instructions nécessaires aux arrestations qui devront avoir lieu
le 9 octobre à partir de 6 heures du matin et qui
devront être terminées à 20 heures »6.
Cet
ordre d'arrestation massive vise les juifs étrangers « hommes,
femmes et enfants sans prendre égard à leur âge ».
Pour
le département de la Côte d'Or ce sont 64 personnes qui sont
recherchées. Toutes ne seront pas arrêtées ce jour là, soit parce
qu'elles n'étaient pas présentes, soit parce qu'après vérification
elles étaient de nationalité française. Malheureusement les
arrestations de Juifs français interviendront bientôt.
La
fin de l'histoire de la famille Frenkel nous est fournie par les
archives des nazis : Justina, Klara et Tilla âgées
respectivement de 82, 53 et 50 ans ont été arrêtées le 9 octobre,
puis transférées à Drancy le 12 octobre 1942.
Le
4 novembre 1942 à 8h55 le convoi n°40 quitte la gare de Drancy pour
Auschwitz7.
Sur
les 1000 déportés Juifs de ce convoi, 4 seulement sont revenu
vivant en 1945.
Justina,
Klara et Tilla Frenkel n'en faisaient pas partie.
1Archives
Départementales de Côte d'Or ( ADCO)1090W36
2ADCO
1090W34
3Loi
du 03 octobre 1940 sur le statut des Juifs
4ADCO
41M294
5ADCO
1090W36
6ADCO
1090W41
Commentaires
Enregistrer un commentaire