Discours de Johanna Linsler lors de la cérémonie commémorative de la Rafle du Vel d'Hiv

Il  y a aujourd’hui  70 ans, le 16 juillet 1942, débutait à Paris la rafle dite du Vel d’Hiv.
9 000 gendarmes et policiers français avaient été mobilisés pour une rafle de grande ampleur prenant les Juifs étrangers et apatrides pour cible. Ils ont activement participé, durant deux jours, à l’arrestation de plus de 13 000 personnes, hommes, femmes et enfants, dont le seul crime était d’être nés juifs. Cette rafle avait été rendu possible par l’utilisation d’un fichier de recensement des Juifs établi par les services de Vichy deux ans auparavant.
En province, cette rafle avait été organisée quelques jours plus tôt ; en Côte d’Or, les 13 et 14 juillet 1942, aboutissant à l’arrestation puis à la déportation depuis la gare de Dijon de 21 personnes. Deux d’entre elles ont survécu à leur déportation.
Parmi les déportés de Côte d’Or assassinés à Auschwitz Birkenau, Erna Kahn, qui habitait Châtillon sur Seine. Madame Kahn était la maman d’une petite fille, Marguerite, alors âgée de 13 ans.
Erna Israël Kahn était née en 1901 à Koenigsmacker, une commune de Moselle alors annexée à l’Allemagne de Guillaume II. Elle s’était mariée à Benjamin Kahn, un Luxembourgeois de dix ans son aîné, et depuis 1930, la famille Kahn résidait en Moselle, dans le village natal d’Erna, redevenu français en 1918.
Dès le début de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement français a fait évacuer les populations civiles des communes situées entre la ligne Maginot et la frontière allemande, car elles risquaient de se trouver dans la zone des combats.
C’est ainsi que la famille Kahn a été évacuée, élisant provisoirement domicile rue Claude Bernard, à Châtillon-sur-Seine ; une commune où ils ont demeuré, l’annexion de la Moselle, en juin 1940, par le Reich ayant rendu impossible le retour d’une famille juive en Allemagne nazie.
Le 15 juillet 1942, madame Kahn se trouvait parmi 21 Juifs raflés en Côte d’Or qui, après une brève détention à la Mairie de Dijon, ont été transférés en train vers le camp d’internement de Pithiviers, dans le Loiret.
Le 20 juillet 1942, sa fille Marguerite écrivait innocemment au maréchal Pétain, le suppliant de l’aider. « Je viens d’apprendre l’affreuse nouvelle qu’elle est maintenant déportée en Pologne ». Le 17 juillet au matin, sa mère avait été déportée à Auschwitz-Birkenau par le 6ème convoi parti de France. « Je pense qu’en m’adressant à votre bonté », écrit Margot Kahn, « vous pourriez, Monsieur le Maréchal, faire rentrer maman chérie dans notre foyer en détresse ».
Cette démarche a été soutenue par les enseignants du collège de Margot : la lettre de la jeune fille a été transmise au Préfet de Région accompagnée d’une lettre sa directrice d’école et de l’Inspectrice d’Académie qui souhaitait ainsi ne pas trahir « la confiance et l’espoir d’une petite fille dans la puissante bonté de notre Chef ». Mais le 19 juillet, dès son arrivé à Auschwitz, sa maman était assassinée par les gaz.
En guise de  ‘réponse’ à sa lettre, Margot sera arrêtée avec son père le 9 octobre 1942, par la gendarmerie de Châtillon. Tous deux ont été déportés le 11 novembre 1942 vers Auschwitz Birkeanu, par le convoi n° 45. En effet, depuis l’été 1942, les arrestations ne concernaient plus seulement les Juifs étrangers, mais également les Juifs français.
Comme sa mère puis son père, Marguerite a été assassinée à son arrivée à Auschwitz Birkenau.
Il y a 70 ans, les 13 et 14 juillet 1942, 21 personnes étaient arrêtées en Côte d’Or pour être déportées dans le cadre de la Shoah :
Hermann GERSON, 37 ans, était arrêté à  Crépey,
Malka HERKOWITZ, 38 ans, vivait rue Jean Jacques Rousseau à Dijon,
Erna KAHN, 40 ans, s’était réfugiée d’Alsace à Châtillon-sur-Seine,
Szmul KALEKA, 44 ans, vivait à Voulaines-les-Templiers,
Thérèse KATZ, 17 ans, habitait à Dijon rue Paul Thénard,
Herta KOHLMANN, 21 ans, vivait rue Babeuf à Dijon (rue de la Chouette),
Aron KUPERBERG, 38 ans, était arrêté à Crépey
Ruberg MAKAROWSKI, 44 ans, était également arrêté à Crépey
Edmond MICHEL, 37 ans
Irma MICHEL, 34 ans et
Lillie MICHEL, 40 ans, vivaient tous trois de Dijon, rue de la Charmette
Anita OPPENHEIMER, 19 ans habitait Dijon, rue Paul Thénard
Jaqueline RIBSTEIN, 19 ans vivait également à Dijon, rue des Perrières
Erich ROSNER, 17 ans était arrêté à Crépey
Severin SAFRYS, 28 ans était arrêté à Messanges
Nathan SALTMAN, 29 ans  et
Samuel SCHACHTER, 36 ans étaient encore arrêtés à Crépey
Rose STEINITZ, 44 ans, et
Mireille STEINITZ, 17 ans vivaient à Dijon, avenue Victor Hugo
Rachel ZLOTOWITCZ, 36 ans habitait Dijon, rue de la Manutention
Joseph ZYSKIND, 41 ans était arrêté à Crépey.

Après leur arrestation, ces 21 personnes ont été transférées Pithiviers.
Le 17 juillet, ils étaient déportés par le convoi numéro 6 vers Auschwitz Birkenau, vers une mort programmée par les nazis, avec la complicité du gouvernement de Vichy.
Deux personnes seulement, Samuel Schachter et Nathan Saltman, ont survécu à la déportation : Jacqueline Ribstein est parvenue, quant à elle, à échapper à la déportation.

Tous les autres ont rejoint la longue liste des 76 000 Juifs déportés depuis la France entre 1942 et 1944, hommes, femmes, enfants assassinés dans le cadre de la Shoah.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Une école Paulette LEVY

Cérémonie commémorative à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'état français et d'hommage aux "Justes" de France

Inauguration exposition "Anne Frank, une histoire d'aujourd'hui"